Zut alors, si le soleil quitte ces bords.
A.Rimbaud




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dimanche 29 août 2010

l'écolier

A l’intention des pauvres petits qui vont devoir reprendre le chemin de l’école, ce charmant poème de Marceline Desbordes-Valmore, âme sensible qui savait retrouver l’esprit d’enfance.

Un tout petit enfant s’en allait à l’école.
On avait dit : « Allez !... » Il tâchait d’obéir ;
Mais son livre était lourd, il ne pouvait courir ;
Il pleure et suit des yeux une abeille qui vole.

Abeille, lui dit-il, voulez-vous me parler ?
Moi, je vais à l’école : il faut apprendre à lire ;
Mais le maître est tout noir, et je n’ose pas rire :
Voulez-vous rire, abeille, et m’apprendre à voler ?
Non, dit-elle, j’arrive et je suis très pressée.
J’avais froid ; l’aquilon m’a longtemps oppressée ;
Enfin j’ai vu les fleurs ; je redescends du ciel,
Et je vais commencer mon doux rayon de miel.
Voyez ! J’en ai déjà puisé dans quatre roses ;
Avant une heure encore nous en aurons d’écloses ;
Vite, vite à la ruche ! On ne rit pas toujours ;
C’est pour faire le miel qu’on nous rend les beaux jours.

Elle fuit et se perd sur la route embaumée.
………………………………………………….
L’enfant reste muet, et, la tête baissée,
Rêve et compte ses pas pour tromper son ennui,
Quand le livre importun, dont la main est lassée,
Rompt ses fragiles liens et tombe auprès de lui.

Un dogue l’observait du coin de sa demeure.
…………………………………………………..
Bon dogue, voulez-vous que je m’approche un peu ?
Dit l’écolier plaintif. Je n’aime pas mon livre ;
Voyez ! Ma main est rouge, il en est cause. Au jeu
Rien ne fatigue, on rit ; et moi je voudrais vivre
Sans aller à l’école, où l’on tremble toujours.
Je m’en plains tous les soirs, et j’y vais tous les jours.
J’en suis très mécontent. Je n’aime aucune affaire ;
Le sort des chiens me plait, car ils n’ont rien à faire.

Ecolier ! Voyez-vous ce laboureur aux champs ?
Eh bien ! Ce laboureur, dit Stentor, c’est mon maître.
Il est très vigilant ; je le suis plus peut-être.
Il dort la nuit ; et moi, j’écarte les méchants.
………………………………………………………
Pour vous-même on travaille ; et, grâce à nos brebis,
Votre mère, en chantant, vous file des habits.
Par le travail tout plaît, tout s’unit, tout s’arrange.
Allez donc à l’école ; allez, mon petit ange !
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Enfant, vous serez homme, et vous serez heureux ;
Les chiens vous serviront.
L’enfant l’écouta dire ; son livre était moins lourd.
En quittant le bon dogue, il pense, il marche, il court.
L’espoir d’être homme un jour lui ramène un sourire.

A l’école, un peu tard, il arrive gaîment,
Et dans le mois des fruits il lisait couramment.