Zut alors, si le soleil quitte ces bords.
A.Rimbaud




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mercredi 23 juin 2010

La cigale et la luciole - fable

Voici l’aventure, dont Caroline fut témoin, d’une pauvre cigale, d’une petite fourmi
Curieuse et d’une luciole mystérieuse

Cigale s’entêtait Tant d’étés chantés Son cri grinçait
Se débattait d’un raclement dans le ressassement
Crissait comme chagrin de forêt
Vieille de froid si seule dépourvue ne croyait plus aux mélodies
Accordait sa guimbarde à perpète et famine et tout de même tout de même
Qui croit aux mélodies bise venue ?
Les volets clos sur le dehors l’abritaient des fourmilières
Fourmis tenaient conseil
Archivaient le chant besogneux de Cigale pour enseigner les ouvrières
à l’heure des pauses en hiver
Tout fut synthétisé jusqu’à l’aléatoire pour sembler d’inventer
C’était assez pour mille vies de fourmis, les musées
Cigale emportait dans la draille son ahan d’air et l’aigu d’un pourquoi d’enfant
Fourmis classèrent les voix parmi les clameurs et autres pêcheurs de perle
Dans une mémoire en béton sauvée de famine par des festins de commentaires
C’est ainsi qu’on remisa les oreilles dans des écrins noirs
où suintait le formol sonore qui rendait sourd au silence soudain des sirènes
On engrangeait le bois vermoulu des pianos les mains tombaient
Les moignons suffisaient au nouveau clavier
D’ailleurs bâtissaient les enchaînées comme les meilleurs carriers
Le musée des chants premiers servait aux sentiments la sauce nécessaire
aux nostalgies qui font pleurer les fourmilières bonne affaire
L’incroyable vie naturelle et rustique des cigales s’arrachait
L’heureux temps des cigales faisait fortune aux temps froids
La nuit la fourmilière nuitait, oncques ne vit surgir la mille et unième
Chacun chez soi sentait cependant l’obscur s’épaissir mais quoi dire
pour ne pas troubler le sommeil des enfants
Une fourmi traînait encore, un anachronisme en somme, dehors à la nuit noire
Nuit si noire songeait-elle jusqu’où caches-tu la lumière ?
À l’autre bord de toi quelqu’un voit-il le kung-fu de Cigale sur la lavande bleue ?
Brève étincelle – fut très brève – alerta Fourmi dans la nuit
Les étoiles n’approchaient plus la fourmilière
Rideau de terre sur les tranchées gardait les ouvrières du péché de lune
D’ailleurs c’était à ras du sol, la lueur, avec poussière crottin fretin
La nuit si noire quand le cœur si perdu inventait-elle aux vagabonds des mirages ?
Le temps perçait-il la durée de la nuit d’un soubresaut futur ?
La noctambule en parle au matin le conseil s’en émeut la place est balisée
Pleins feux, venez venez La lueur n’était plus
On chasse l’hurluberluée du spectacle et de la société
S’en va coucher dedans le grand dehors avec tous les dangers Juste au bord
de dehors sautillait la lueur Je danse elle disait ce que Cigale a chanté tant d’étés
S’est gonflé le printemps de son chant qu’il me reste à danser je le fais
Cigale est morte à coup sûr à moins qu’au lointain n’ait trouvé qui l’attendait
Fourmi s’écrie la lueur danse au bord d’ici Cigale est morte ou partie
Le conseil s’en émeut etc. etc. plein feu sur le dehors comme on s’ennuie ici !
Notre fourmi bannie espérant un permis se tient aux confins du halo
Le conseil est furieux la foule s’agglutine la foule veut
Fourmi ravie n’entend rien tête à la nuit Regardez les amies la lueur danse
Re-coup de projecteur re-fureur la fourmi pleure
Brillent ses larmes sur la nuit
Un stropiat passait là dans la lenteur des os
Deux nigauds s’écartaient pour les baisers dans les fourrés
Voient briller la nuit
Quittent la forteresse les trois ravis sans mains sans voix On les voit
quelquefois trianguler de noir les amours d’une luciole
On dit c’est un signe ou c’est l’heur
Le premier chien qui passe sait que c’est un poème
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